Ce mercredi la ministre de l'agriculture Annie Genevard, s'exprimait devant la Commission des Affaires économiques du Sénat. Répondant à une question du sénateur Laurent Duplomb (LR) qui a déposé une proposition de loi « visant à éviter des situations de surtransposition réglementaire et des distorsions de concurrence avec les autres États membres de l'Union européenne », la ministre a déploré la « surtransposition » qui « met certaines filières dans des situations impossibles ».
« On vous demande de pouvoir faire autant que les autres »
Laurent Duplomb, co-rapporteur a ensuite pris la parole et rappelé à Annie Genevard, la phrase qu'elle avait prononcé lors de son discours d'investiture « 'Chaque fois que nous surinterprétons une norme européenne nous nous glorifions d'être plus vertueux que les autres mais en réalité nous nous tirons une balle dans le pied', et vous avez pris l'exemple typique de la filière betterave. Madame la ministre la proposition de loi que nous avons écrit conjointement avec Franck Ménonville, répond à cette problématique-la. On ne vous demande pas de faire plus mais on vous demande de pouvoir faire autant que les autres. On ne peut plus continuer d'avoir des entraves et d'être livré à la concurrence déloyale. Cette proposition doit être inscrite à l'Assemblée Nationale sur une semaine gouvernementale ».
Lundi plusieurs organisations fruitières et légumières (et notamment ANPP, FNPFruits, AOP Pêches et Abricots, UNPT, BIK, Légumes de France, FN3PT) dénonçaient les distorsions de concurrence et demandaient à ce que les producteurs français aient les mêmes moyens de protection des cultures que leurs concurrents européens, au risque de voir des filières disparaitre.
Au début de son audition, Annie Genevard a indiqué que le monde agricole connaissait actuellement « une conjonction de crises absolument inédite : crise sanitaire, crise météorologique et donc des crises de rendements, crise de trésorerie et surtout crise de confiance en l'avenir » [...]. Elle a dit vouloir « donner des motifs d'espérer de l'avenir car sans cela comment engager les jeunes agriculteurs et ceux qui envisagent de se tourner vers le métier de le faire »
« C'est dramatique, ils n'ont rien pour traiter »
« Je ne peux qu'être d'accord » [sur la question de la surtransposition], a affirmé la ministre de l'agriculture. « Certaines décisions prises au Parlement, et singulièrement à l'Assemblée Nationale, ont été irresponsables dans les conséquences qu'elles ont portées et mettent dans des situations impossibles certaines filières qui connaissaient des difficultés immenses ».
La ministre a également souligné la situation de certaines filières : « Franchement, ça fend le cœur ! Je pense à la filière noisette, c'est dramatique, ils n'ont rien pour traiter. Alors que tous les concurrents européens traitent ». La coopérative Unicoque pointait du doigt fin octobre « la politique phytosanitaire ultra-restrictive de la France »*. Les attaques de punaise diabolique et balanins ont dévasté la récolte de noisettes 2024. Les producteurs n'ont pu lutter « faute de molécules phytosanitaires efficaces ayant une autorisation d'usage sur le territoire français ».
*En 2018, la France a décidé d'interdire (à contre-courant de l'UE) plusieurs molécules dont l'acétamipride (néonicotinoïdes) accusés de contribuer à la disparition des abeilles.
Elle a également ajouté « A chaque fois que je rencontre un producteur de cerise, il me parle de ça. On a quand même sur les cerises surtransposé, on a plus exactement antéposé, on a pris des dispositions avant l'Europe, donc on a fragilisé nos filières. »
Annie Genevard a prévenu « Il faudra revenir sur surtranspositions, mais le combat sera très difficile » et a promis d'inscrire le texte de la PLOA à la mi janvier : « je m'engage à demander une inscription au gouvernement dans les meilleurs délais. »