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6,7 Md€ engagés par l’État pour soutenir l’innovation en agriculture entre 2018 et 2023

« Le déploiement des innovations nécessaires à la transition agroécologique est insuffisant » estime la Cour des comptes

Dans son rapport « L'innovation en matière agricole » publié le 24 février dernier, la Cour des comptes évalue le soutien des politiques publiques en matière d'innovations agricoles. L'évaluation a porté sur les trois segments du processus d'innovation qui se situent en aval de la recherche - développement : l'appropriation par les exploitants, la diffusion, et la valorisation des innovations du domaine de l'Agritech.

« Pour la période 2018-2023, la Cour estime qu'environ 6,7 Md€ ont été engagés par l'État pour soutenir l'innovation en agriculture, soit plus de 1 Md€ par an. Ce soutien a pour but le déploiement dans les exploitations de solutions innovantes, dont celles issues de l'Agritech (numérique, robotique, génomique) française. La politique publique vise une accélération de la transition agroécologique, afin d'augmenter la double performance économique et environnementale des systèmes de production agro-alimentaires français. L'innovation a toujours été un moteur du développement agricole et rural. Elle est aujourd'hui considérée comme une priorité pour réussir la « troisième révolution agricole » et orienter l'agriculture vers des systèmes plus compétitifs, plus résilients aux impacts du changement climatique et plus respectueux de la biodiversité et des ressources naturelles », note la Cour.

Les agriculteurs innovent, mais le déploiement des innovations nécessaires à la transition agroécologique est insuffisant
Sur l'appropriation des innovations par les agriculteurs (selon un sondage réalisé auprès d'un échantillon de 1 005 chefs d'exploitation), les résultats montrent que la majorité des agriculteurs (86 %) intègre régulièrement des innovations. Mais parmi ces innovations aucune n'est adoptée de façon massive par l'ensemble des agriculteurs. « Les méthodes de substitution aux produits phytosanitaires sont les plus adoptées, mais ne dépassent pas 50 % des répondants. Contrairement aux idées reçues, il n'existe pas de profil type d'agriculteur innovant. Le seul facteur commun est le nombre de conseils dont ils ont bénéficié. Pour 71 % des sondés, les principaux freins au changement sont financiers. Les risques inhérents à l'innovation pèsent très largement sur l'exploitant, contrairement à d'autres secteurs économiques où ils sont mieux partagés. Le retour sur investissement est long et incertain. Comme il n'existe pas suffisamment de références sur les impacts des nouveaux produits ou des nouveaux procédés, l'agriculteur doit s'appuyer sur son expérience et ses connaissances ou celles des pairs pour évaluer les risques. C'est pourquoi, plus une innovation s'écarte des standards, moins elle a de chance d'être adoptée. Les freins à l'innovation se situent principalement au niveau des filières, où les stratégies économiques limitent l'adoption de modèles alternatifs. Les agriculteurs réclament davantage d'aides financières directes, mais les soutiens actuels sont mal ciblés et peu cohérents. Les agriculteurs peinent à accéder aux outils de la politique publique d'innovation, comme les crédits d'impôts ou le statut de « jeune entreprise innovante ».

La politique publique de soutien à la diffusion des innovations répond partiellement aux besoins en matière de conseil et de formation continue
« Si les nouveaux agriculteurs sont mieux formés que la génération précédente, la part croissante d'agriculteurs non issus du milieu agricole accroît l'hétérogénéité des besoins. De plus, la formation continue des agriculteurs est moindre que celle du reste de la population active. La multitude des canaux d'information des agriculteurs améliore le potentiel de diffusion des innovations. Ces derniers peinent cependant à trouver des sources fiables sur les avancées les plus récentes. Le sondage réalisé par la Cour met en lumière le rôle positif des collectifs agricoles dans le partage d'informations. Si la quasi-totalité des agriculteurs participe au moins à un collectif, moins de 10% adhèrent à un collectif labellisé agroécologique. Les taux de satisfaction des répondants au sondage vis-à-vis du conseil sont élevés (proches de 90 %). Ils doivent toutefois être comparés au taux élevé de non-recours. Ainsi, seuls 44 % des répondants au sondage ont fait appel aux conseils apportés par les chambres d'agriculture. Bien que les acteurs du conseil jouent un rôle essentiel dans le processus de diffusion de l'innovation, la politique publique n'incite pas assez les agriculteurs à y avoir recours, en particulier s'agissant du conseil stratégique global, c'est à dire couvrant toutes les dimensions de l'exploitation agricole. Hors formation, la diffusion des innovations fait l'objet du Programme national de développement agricole et rural (PNDAR) dont l'objectif est d'accélérer cette diffusion. Il n'existe cependant pas de feuille de route spécifique pour organiser et renforcer l'accès au conseil ou aux dispositifs expérimentaux ».

La politique publique d'innovation maintient le positionnement de l'Agritech française dans la compétition internationale
« D'importants financements ont été consentis par l'État pour aider l'Agritech française à rester une filière d'excellence (2,4 Md€) et ils sont en forte augmentation sur la période 2021-2023. Grâce à ces soutiens, et malgré une compétition internationale accrue, l'Agritech française parvient à tenir son rang. Les solutions développées sont en phase avec les objectifs de la politique d'innovation agricole. Le système d'innovation de l'Agritech, désormais composé de plus d'une centaine d'acteurs de toute taille, est bien identifié par les pouvoirs publics. Des consortiums de référence associent des acteurs publics et privés, des entreprises innovantes et des acteurs du secteur agricole.. L'Agritech française résiste au niveau international, mais en dépit des efforts consentis, trop peu de nouvelles grandes entreprises émergent. Des freins structurels à la valorisation économique des innovations subsistent, notamment des cloisonnements persistants entre les acteurs historiques et les nouveaux acteurs du système agricole. L'accès des entreprises innovantes à l'expérimentation est également insuffisant. Enfin, des difficultés d'accès à leurs marchés cibles fragilisent les entreprises avec des délais dans le traitement des dossiers d'autorisation de mise sur le marché qui restent trop élevés.»

Photo : Dreamstime

Source : ccomptes.fr

Photo de la première page: © Dreamstime

Date de publication: