A l'occasion du Salon de l'Agriculture 2025, la filière de la banane française a initié une réflexion collective sur les défis du monde agricole. Lors d'une table ronde qui s'est tenue sur le stand de La Coopération Agricole, l'UGPBAN a invité différents acteurs à débattre sur une problématique du juste prix. Face aux défis économiques et environnementaux se pose la question de comment garantir une rémunération équitable aux producteurs, tout en assurant un prix accessible aux consommateurs ? Pour en parler, Matthieu Pasquio, directeur général adjoint de La Coopération Agricole, d'Elsa Satilmis, responsable fruits et légumes solidaires, « C'est qui le patron ?! La marque du consommateur », et de Pierre Monteux, directeur général de l'UGPBAN/Fruidor - Groupe Solveg. © UGPBAN
« La course aux prix toujours plus bas fragilise notre agriculture et nos entreprises agroalimentaires »
« On assiste à un choc de production avec les aléas climatiques, sanitaires et géopolitiques auxquels les producteurs sont confrontés… on a un aussi un choc d'interdiction sans solution. Un choc de consommation se fait également ressentir car les consommateurs cherchent des prix accessibles et se reportent sur des produits d'entrée de gamme, moins chers, ce qui favorise l'import de produits qui ne respectent pas les normes françaises. 50 % des poulets sont issus de Brésil ou d'Ukraine, ce qui représente 80 % des poulets proposés en grandes surfaces… On marche sur la tête !» s'insurge t'il. « La course aux prix toujours plus bas fragilise notre agriculture et nos entreprises agroalimentaires… On doit remettre l'origine France dans les caddies et les cantines ! », indique Matthieu Pasquio qui a également rappeler la force du modèle coopératif.
Pierre Monteux confirme que les négociations ont été particulièrement difficiles avec la grande distribution cette année. La période inflationniste que nous vivons conduit à un fort développement des marques de distributeurs. Elsa Satilmis explique que « C'est qui le patron ?, c'est les consommateurs ». L'histoire a commencé en 2016 avec les producteurs laitiers. Personne ne savait combien il manquait aux producteurs pour leur permettre de vivre de leur métier», indique-t-elle. Après analyse, les équipes constatent que seuls 4€ par consommateur et par an peuvent faire la différence. «Toute la filière a été tirée vers le haut avec une meilleure rémunération pour les producteurs. » souligne-t-elle. La question à se poser c'est « en dessous de quelle rémunération le producteur ne peut pas s'en sortir ? ».
Comment répercuter les coûts de production qui pèsent sur les agriculteurs sur
l'ensemble de la chaîne de valeur ?
« La thématique du juste prix est un sujet qui nous anime constamment », indique Pierre Monteux. « Le marché de la banane est hyper concurrentiel… Il est très compliqué, voire impossible d'établir un coût de revient moyen commun à toutes les productions présentes sur le marché. Les salaires par exemple vont du simple au double ». La filière s'est posé la question du coût de revient. Les producteurs ne le connaissaient pas, ils ont donc fait appel à des experts pour le déterminer et suivre son évolution. Cela permet de déterminer sur quelle niche il est nécessaire de travailler pour assurer une juste rémunération aux producteurs. Et pour la filière banane française il s'agit du segment enrubanné, qui a d'ailleurs fêté ses 10 ans cette année : « Le ruban constitue une rupture avant-gardiste puisque tout le monde utilisait un emballage tout en plastique. Une identification forte était nécessaire, le drapeau français, visible de loin avant l'acte d'achat permet cela. » C'est un achat facilité pour le consommateur qui choisit une main de 3, 4, 5 ou 6 fruits. Grâce au concept, il y a moins de dégrain. Le distributeur est donc gagnant aussi. Il s'agit d'un prix fixe à l'année sans promotion et donc une garantie pour le producteur d'une rémunération stable et lissée.
« C'est qui le patron?! n'a pas de démarche marketing », précise Elsa Satilmis. « On est partis de la rémunération du producteur. C'est ça qui change tout. Combien il faut au producteur ? et on n'oublie pas le distributeur.
« Les initiatives, comme celle de C'est qui le Patron ?! ou comme par nature, celles de nos coopératives agricoles permettent de faire ruisseler la valeur sur l'agriculteur. Le déséquilibre de la chaine alimentaire aujourd'hui, c'est une responsabilité de tous les acteurs », souligne Matthieu Pasquio. « La problématique du revenu des agriculteurs trouvera d'abord des solutions par une meilleure organisation économique. »© UGPBAN
« L'agroécologie ce n'est pas gratuit ! »
Pour Pierre Monteux, il faut partir de l'amont. « Il y a trop de charges sur les épaules de nos agriculteurs, trop de complexité, trop de normes... Les coûts de production explosent mais on doit rester compétitifs. La pression sanitaire est forte, le soutien politique est vital. Les producteurs de bananes aux Antilles ont des structures qui ont besoin d'un rendement moyen. Il faut trouver un juste milieu. »
Les coopératives ont besoin de moyens, elles ont besoin d'investir dans l'agroécologie en amont, dans l'énergie et la technologie à l'aval. « Sans production, il n'y a pas d'alimentation » souligne Matthieu Pasquio. Les agriculteurs sont en première ligne. Il ne peut y avoir d'interdiction sans solution. Il faut reconquérir le cœur de gamme ! ». Du côté de C'est qui le patron?!, On constate rapidement que si on souhaite soutenir l'agroécologie, c'est quelques centimes de plus à payer.
« On ne se sent pas défendus, pas protégés par les pouvoirs publics… Il faut jouer sur le patriotisme. Il faut sensibiliser les consommateurs. On n'a pas les mêmes produits ! L'agroécologie ce n'est pas gratuit ! », renchérit Pierre Monteux.